12. Le temps qui passe
« Je vois que tu n’as pas perdu tes bonnes habitudes. Tu n’es pas un peu vieux pour jouer dans les flaques d’eau ? »
« Je voulais tester si mes chaussures étaient encore en assez bon état ? Si l’eau était entrée dedans, alors j’aurais su qu’il était temps d’en changer. »
« J’ai vu mieux comme excuse. Tu peux le dire su ça t’amuse encore ! »
« Au moins ton fils n’est pas en train de te voir te comporter comme un gamin de 5 ans. Par contre je vois que vous le laissez se débrouiller tout seul. »
« Il apprend à marcher par ses propres moyens et il s’amuse en même temps. Si c’est pas le meilleur moyen pour lui donner le goût d’apprendre. »
« Bon c’est vrai qu’il a l’air ravi. Mais j’espère qu’il ne va pas non plus apprendre que son père et sa mère préfèrent vaquer à leurs occupations plutôt que de prendre soin de lui et de s’occuper de son éducation. »
« Tu vas me dire qu’il va finir traumatisé par cette expérience et va très mal grandir aussi ? »
« Je n’irais pas jusque là mais ça peut être compliqué de lui faire passer ta passion si vous n’êtes pas proches. »
« Je me disais bien que tu t’inquiétais pour tes propres intérêts. »
« Parce que ce n’est pas ce que tu veux aussi ? »
« Je vois que tu n’es pas le seul de la famille à essayer de transformer le quartier. Chacun son style si je puis me permettre. »
« Cette petite en a quand même bien besoin. Je ne sais pas auprès de qui elle avait demandé conseil, mais le look aventurière/ménagère n’est pas un mélange très réussi. »
« Oui ensemble, construisons un monde où les gens sont cultivés et bien habillés. »
« Tu plaisantes mais qu’est ce que ce serait beau comme monde. On peut aussi espéré que les gens soient aimables et polis dans ce monde ? »
« Tout est possible. Par contre je ne pense pas que tu ferais parti de ce monde. Pour ce qui est de l’amabilité, on repassera et la tenue… Rosaria n’a jamais essayé de te relooker ? »
« J’ai le droit de me vexer ? »
« Vu ta tenue actuelle, je dirais que non. Mais qu’est ce que tu as fait pour finir comme ça ? »
« J’ai repris mes travaux de bricolage. Un petit court-circuit a déclenché un incendie que j’ai maitrisé rapidement mais ça a laissé quelques traces. »
« J’espère que tu feras plus attention la prochaine fois. Tu ne veux pas laisser une veuve et un orphelin derrière toi. »
« Orphelin ? Il aura quand même un mère. »
« Oui bon orphelin de père. Remarque, si tu disparais maintenant, il ne se souviendra sans doute plus de toi une fois plus grand. Ça serait le meilleur des cas si tu venais à disparaitre. »
« Tu souhaites ma mort maintenant ? C’est pas très gentil ça ! »
« Mais non, j’espère qu’on a encore de longs moments à passer ensemble. »
« Tu t’ennuierais si tu n’avais personne à torturer, c’est ça ? »
« Il n’empêche vous ne vous faites plus très jeunes. Rosaria vient de fêter son anniversaire. Toute seule encore. Enfin au moins elle avait de quoi fêter ça sur elle. »
« Elle était pas toute seule, j’étais… »
« Dans le jardin, en train de sculpter. C’est quasiment la même chose. Tu aurais pu prendre trente secondes de ton temps pour fêter ça dignement. »
« Elle m’a dit qu’elle voulait pas de fête. On a pas les moyens et ça ne l’enchante pas plus que de vieillir. Je te rappelle que c’était une fée avant et qu’elle ne s’attendait pas à voir les effets de l’âge avant un moment. »
« Oui enfin, elle a quand même pris la décision de quitter le monde de la magie. Personne ne l’a forcée ! Et puis tu devrais savoir que quand quelqu’un te dit que ce n’est pas la peine de faire quelque chose, souvent il pense le contraite. »
« Tu veux dire que j’aurais du lui préparer une petite fête ? »
« Au moins un gâteau, ça aurait été la moindre des choses. »
« J’y penserai la prochaine fois. »
« Encore une fois toute seule. Ça m’attriste de la voir sans arrêt toute seule dans cette cuisine. C’est vraiment un miracle qu’elle ne t’ai pas encore quitté. »
« Elle m’aime trop pour ça ! Et elle sait que ma mission est importante pour moi et elle comprend que ça passe avant tout. On aura tout le temps devant nous une fois celle-ci accomplie. »
« C’est bien tu es plutôt optimiste. J’espère que tu auras le temps de profiter de ton succès et que ta mission ne se poursuivra pas jusqu’à ton dernier souffle. »
« Bon il faut savoir ! Tu me donnes une mission mais tu veux pas que je la réussisse. »
« Si bien sûr ! Mais pas au dépriment de ton propre bonheur ! »
« Je te rassure, nous sommes très heureux comme ça. Et accomplir cette mission me rend heureux aussi, donc aucune plainte à remonter pour l’instant. Crois moi, si j’en ai assez, tu m’entendras. »
« Je n’en doute pas ! Mais cela fait plaisir de voir que tu prends tout ça au sérieux ! »
« Pour me faire pardonner de l’avoir laissée seule pour son anniversaire, j’ai fait quelques aménagements dans le salon. Tu en penses quoi ? »
« Plutôt pas mal ! C’est quand même plus classe que ta cabane ou ce que tu avais avant. On commence vraiment à se sentir chez soi. »
« J’espère que tu n’es pas trop à l’aise, j’aimerais quand même avoir des moments à moi. »
« Je parlais pour toi, je n’ai absolument pas l’intention de squatter. Comment veux-tu que je profite de tout ça ? »
« Je préfère prévenir. »
« Et les tableaux, ils sont de qui ? Pas de toi je présume. »
« Je vais vraiment finir par me vexer ! »
« Désolé de ne pas reconnaitre ta touche si particulière ! J’ai raison ou pas ? »
« Oui… ils ont été peints par Rosaria. »
« On dirait qu’Antonio a lui aussi un petit côté artiste. »
« C’est le premier jouet vers lequel il s’est dirigé. Et il se débrouille pas mal. Je ne m’inquiète pas trop pour la suite des choses. Il est là pour prendre la relève ! »
« Après la sculpture et la peinture, la musique ? Pourquoi pas. Ça changera un peu du silence du peindre ou des coups de marteau du sculpteur. Cela fera du bien à mes oreilles. »
« Je te l’ai déjà répété pleins de fois, mais si je t’embête tant que ça, tu n’es pas obligé de venir me voir. »
« Mais non. »
« Qu’est ce que j’étais tranquille quand tu avais disparu. Parfois je regrette que tu sois finalement revenu. »
« Je vais juste retenir que tu regrettes seulement parfois. »
« J'ai comme l'impression que la solitude rattrape Rosarie. Elle n’a pas l’air très heureuse. »
« Peut-être qu’elle est simplement ému d’avoir terminé l’apprentissage du pot d’Antonio ? »
« Ou elle n’en peut plus de s’occuper de l’apprentissage du pot d’Antonio ? C’est pas vraiment la tâche la plus sympathique à effectuer. »
« Pourquoi faut-il que tu sois toujours aussi pessimiste. Si il y avait vraiment un problème on en aurait parlé ensemble. »
« Tu es sûr ? Parce que je ne vous vois pas souvent ensemble. Je ne sais pas trop quand vous auriez pu vous parler. »
« Arrête de t’inquiéter pour rien. Tu verras tout va bien se passer. »
« On dirait un peu le discours de quelqu’un qui sait que quelqu’un chose va mal finir mais qui veut rassurer les personnes autour de lui. »
« Ce n’est pas du tout le cas. Je suis beaucoup de chose, mais certainement pas menteur »
« C’est vrai. Mais dans certaines situations, il est préférable de mentir. »
« Je pense que je sais ce qui tracasse Rosaria ! »
« Ah ? Alors, je t’ai menti ? »
« Non, tu disais la vérité. »
« Alors ? »
« Je l’ai surprise en train de se regarder longuement dans le miroir. Je pense qu’elle a peur de vieillir. »
« Mais quelle idée ! »
« Peut-être que ce n’est pas de devenir moche et ridée qui l’inquiète, mais plutôt que tu ne l’aimes plus parce qu’elle est moche et ridée. »
« Je ne te permets pas ! Pourquoi elle deviendrait automatiquement moche en vieillissant ? Elle est belle à mes yeux et le restera toujours.»
« Je crois qu’on est fixé sur tes sentiments. Tu devrais lui en parler. »
« Tu lui peins un tableau pour la rassurer ? Tu as dessiné ta famille ? C’est ton papa et ta maman qu’on peut apercevoir ? »
« On ne se moque pas. Je fais ce que je peux hein ! »
« J’espère que tu peux faire mieux, parce que je n’ai pas vraiment l’impression que tu progresses depuis le début. J’ai même l’impression que tu régresses. Je ne peux même pas espérer que tu fasses les devoirs de tes enfants à leur place, aucun n’a l’âge d’aller à l’école. »
« Moque toi ! Je suis sûr que tu ne ferais pas mieux. »
« Oui mais je ne prétends pas apprendre à tout le monde ce que l’art est. »
« Je le fais uniquement parce que tu m’as demandé de le faire. »
« Et aussi parce que tu y crois quand même. Je ne t’ai pas fait n’importe comme non plus. »
« Apparemment si, vu que je ne suis pas fichu de peindre un truc décent. »
« Rosaria prépare un vrai dîner ? Vous allez manger ensemble ? »
« Oui. Et puis elle va me donner des cours de peinture. Je crois que j’en ai bien besoin vu mon niveau. »
« Le premier pas vers la guérison, c’est d’accepter son problème. Je suis fier de toi. »
« Non mais je ne suis pas malade non plus. J’ai juste un peu plus de mal avec l’art en 2D. »
« Espérons que Rosaria te permette d’y voir plus clair. C’est pas demain la veille que tu seras exposé au musée à cette allure ! »
« Alors cette soirée ? Pas de progrès et tu as préféré revenir à quelque chose de plus simple ? »
« Non très instructif ! Mais tu sais comment c’est ! Il ne faut pas trop en faire à la fois, sinon tu n’apprends plus rien. Alors je suis venu me changer les idées ici. »
« Tu prépares la prochaine grande révolution ? »
« Peut-être qui sait. Je ne fais rien de précis. J’assemble de bouts de trucs et de bidules et je vois ce que ça donne. Peut-être un truc tellement génial qu’il va changer complètement notre mode de vie comme tu dis ! »
« Cela serait vraiment sympa. Elle commence à devenir un peu monotone. »
« Tu n’aimes pas vraiment faire des compliments, je me trompe ? »
« Je ne vois pas du tout ce qui te faire dire ça. Je dis juste les choses comme elles sont. »
« Tu te remets à la peinture ? On peut pas dire que les cours de Rosaria t’aient beaucoup aidé. J’ai l’impression de voir la même chose que la dernière fois. »
« Je finis ce tableau avant de mettre en pratique mes nouvelles connaissances. Je n’aime pas laisser des choses inachevées. Après ma mort, des gens vont le retrouver et le terminer pour moi et il aura totalement perdu son sens. »
« Parce qu’actuellement il a un sens ? C’est le moment où tu me répètes que je ne comprends rien à l’art ?
« Au moins tu as compris que tu ne comprenais rien. Le premier pas vers la guérison, c’est l’acceptation. »
« J’ai l’impression d’avoir entendu ça quelque part … »
« Qui est ce garçon à la couronne qui joue aux échecs devant chez toi ? »
« C’est Antonio ! Tu le reconnais pas ? »
« La dernière fois que je l’ai vu, c’était encore un bambin. Encore un anniversaire raté passé dans l’indifférence générale pendant que ses parents s’occupaient de leur bonheur personnel ? »
« Non pas du tout. »
« Je sens comme une pointe de mauvaise fois. Mais c’est bon signe, ça veut dire que vous n’êtes pas très fiers de vous. Peut-être que vous ferez mieux au prochain. »