9. Paternité
« Bon alors, dis moi. Ton enfant est-il né fée ? »
« Non, j’ai finalement eu LA conversation avec Rosaria. »
« Et ça s’est passé comment ? Elle ne l’a pas mal pris quand même ? »
« Ça a été une discussion difficile, je te l’accord. Mais à la fin, on est quand même tombé d’accord. »
« Vous avez décidé de faire quoi ? »
« Rosaria a abandonné son statut de fée. »
« Comme ça ? Vous avez passé un marché ? »
« Non je lui ai présenté mes arguments et elle a trouvé que j’avais raison, et que c’était mieux pour tout le monde qu’elle abandonne son statut. »
« En espérant que l’enfant ne soit pas lui aussi une fée. »
« Ce n’est pas pour lui que nous avons fait ça. Aussi égoiste que cela peut paraître, c’est pour nous que nous l’avons fait. »
« Ah ? »
« Oui si elle restait une fée, elle allait jouir d’une longévité exceptionnelle, et mourir bien après moi. Le processus pour devenir une fée et long et douloureux. Rosaria a préféré m’épargner cette souffrance et abandonner ses pouvoirs pour vivre et vieillir à mes côtés. »
« C’est si romantique. »
« Tu doutes toujours de son amour pour moi ? »
« Je t’avoue que ça devient de plus en plus dur. Soit elle est très forte, soit elle t’aime vraiment. »
« Oh et un dernier détail. Je lui ai parlé de toi. »
« Quoi ? Tu es sérieux ? Et elle l’a pris comment ? Si elle est encore avec toi, je veux vraiment croire qu’elle est avec toi seulement parce qu’elle t’aime. »
« Au début ça n’a pas été facile. Mais elle a fini par se faire à l’idée que je croyais vraiment en ton existence. Et puis c’est une fée, elle ne peut pas vraiment me dire qu’elle ne croit pas à ce genre de chose. »
« Et finalement, vous avez réussi à vous en sortir avec les travaux dans la maison ? »
« J’ai du travailler sans relâche. J’ai laissé de coté les l’art et je suis passé à la fabrication de meubles en tout genre et matières. »
« Au lieu d’essayer de réaliser un chez d’oeuvre, tu as passé du temps à meubler les maisons de tes voisins ? »
« Les sommes d’argent gagnées grâce à mes sculptures sont beaucoup trop aléatoires. Je ne pouvais pas me permettre de laisser une trop grosse part d’incertitude. Je ne veux pas que mon enfant grandisse dans la misère à cause des choix que j’ai fait. Enfin que l’on a fait pour moi. »
« C’est de ma faute maintenant ? »
« Plus ou moins non ? C’est toi qui m’a fait comme je suis. Les décisions quotidiennes restent les miennes, mais la grande aspiration de ma vie reste ton choix. »
« Qu’est ce qui te fait croire ça ? Peut-être que j’ai choisi de me manifester à toi parce que ton ambition correspondait à ce que je recherchais.»
« Encore un sujet sur lequel on n’arrivera jamais à se mettre d’accord. »
« Je ne passerais pas non plus trop longtemps sur ce sujet. Mais un jour tu comprendras. »
« Un jour ? Quand je te rejoindrez ? »
« Peut-être, peut-être pas … »
« Je le saurais bien assez tôt. Juste avant la naissance du bébé, je suis enfin devenu un adulte responsable. »
« Désolé d’avoir manqué ça. J’espère que tu as bien fêté ça. »
« Non je n’ai rien fait. Je n’ai pas assez d’amis proches avec qui j’aurais aimé fêté ça pour organiser quelque chose. »
« Même pas un petit quelque chose avec ta femme ? »
« Elle était trop fatigué pour organiser quelque chose. »
« Vous avez fait quoi du coup ? »
« Rosaria m’a souhaité un bon anniversaire au réveil et cela était bien suffisant. »
« Même pas un petit cadeau ? »
« On peinait déjà à finir les travaux à temps, il n’était pas question de jeter l’argent par les fenêtres en achetant des choses dont non nécessaires au confort du bébé. »
« Tu es vraiment devenu responsable. Je suis sûr que tu es aussi un très bon père. »
« Un compliment ? Je deviens peut être responsable mais toi tu deviens presque sympathique.
« Presque ? Deviens ? Je suis déjà très sympathique. Tu ne serais sans doute pas là où tu es sans moi. »
« Laisse moi en douter. Ça fait un petit moment que tu n’es plus là pour me guider. Je pense que je suis là où je suis actuellement seulement grâce à moi. Mais je suis gentil, je te laisse l’honneur d’être celui qui va me mener à ma destination finale. »
« Destination finale ? C’est un peu morbide non ? »
« Bon si tu veux, on va dire que tu m’aides un peu à atteindre mon but ultime. »
« Merci, je suis touché que tu reconnaisses enfin mes efforts. »
« De rien. Si tu me poussais pas à bout aussi souvent, je n’appliquerai pas autant à réaliser mes rêves. »
« Je savais bien qu’il y avait un piège. »
« En parlant de cadeau pour mon anniversaire, en fait j’ai en quelque sorte menti quand je t’ai dit que Rosaria ne m’avais rien offert. »
« Je ne préfère pas savoir. Ce que vous faites ensemble ne regarde que vous ! »
« Si c’était ce genre de chose, je ne t’aurais rien dit. Déjà que je me sens espionné sans arrêt. »
« Je te rassures, quand vous êtes occupés, je préfère regarder ailleurs. Et puis en ce moment, je préfère ne pas regarder pour ne pas gâcher la surprise. J’attends que tu me racontes tout ce qui s’est passé depuis que je suis parti. »
« Ça risque d’être long, il se passe des choses entre tes visites. On risque de ne jamais rattraper ton retard à ce rythme là. »
« J’ai besoin que tu me racontes uniquement les évènements important. Cela m’intéresse quand même beaucoup moins de connaitre ta liste de courses. »
« Si tu ne m’interrompais pas toutes les 5 minutes avec tes commentaires, j’aurais peut-être fini depuis longtemps. Si tu veux je peux te faire la version abrégée. »
« Non ça ira. Et puis je n’ai pas critiqué le rythme auquel tu me racontes ta vie durant mon absence, je te disais juste que je ne venais te voir que pour discuter et que je reviendrais t’espionner aussitôt que tu auras fini. Mais pas quand tu passeras des moments intimes avec ta femme. Je vous laisserais tranquille, sois en sûr. »
« J’espère bien. Bon j’en étais où ? J’ai perdu le fil de mes pensées. »
« Tu me disais que ta femme t’avais offert un cadeau finalement. »
« Ah oui. Donc juste après qu’on se soit levé et qu’elle m’ait souhaité mon anniversaire, elle a perdu les eaux et commencé à sentir les premières contractions. Et oui mon fils est né le même jour que moi ! Si ça c’est pas le plus beau cadeau que Rosaria aurait pu me faire. »
« On est sorti comme ça, dans la nuit et le froid pour se rendre le plus rapidement possible à la clinique. Pas question de prendre de risques inutiles. »
« Sorti comme ça ? Tu n’as même pas pris le temps de t’habiller ? »
« Si mais le strict minimum. Je n’ai même pas sent il le froid. Ma priorité était que Rosaria et le bébé arrivent à destination sains et saufs. »
« En clair tu as paniqué. »
« Non, pas du tout, j’avais la situation bien en main. »
« Tu sais que tu avais quand même un peu de temps devant toi. Ce n’était pas forcément agréable pour Rosaria, mais je suis sûr qu’elle aurait préféré que tu restes calme. Ce n’était pas bon pour elle non plus trop de stress. »
« C’est exactement ce qu’elle m’a dit après. Pendant que j’étais en train de courir dans tous les sens, elle prenait son temps. J’ai bien du l’attendre 10 mn dans le taxi devant la maison. »
« A un moment, tu n’as pas pensé sortir du taxi pour l’aider à marcher jusqu’à la voiture ? »
« Maintenant que tu le dis … »
« Bon et alors ? Fille ou garçon ? »
« C’est un petit gars. »
« Félicitations ! Un petit gars, c’est très bien. Prêt à prendre la relève. C’est une bonne chose. »
« Parce que tu vas aussi embêter ma descendance ? »
« Cela dépendra de ta réussite. »
« Donc si j’échoue, mes enfants, mes petits enfants et leurs enfants … vont devoir te supporter aussi par faute ? »
« Il n’y a pas si longtemps que ça, tu étais en colère contre moi parce que je t’avais laissé si longtemps tout seul. Cela ne me rappelle pas forcément l’attitude que quelqu’un qui n’est pas heureux de m’avoir sur le dos. »
« Moi, ça ne me dérange pas, j’ai pris l’habitude. Mais si mes enfants doivent aussi y passer. »
« Encore une fois, ça dépendra entièrement de toi. »
« Vraiment ? »
« Bon, si tu réussis à atteindre ton but mais que je trouve une autre mission à donner à quelqu’un, tes enfants seront mon premier choix, je ne te cache pas. Mais peut être pourrais-je changer mon style d’intervention si cela te gêne trop. Mais on verra en temps et en heure. »
« Je ne sais pas si je dois être rassuré. Mais j’imagine que tu ne vas pas vouloir en dire plus pour l’instant. »
« Non je n’ai pas encore réfléchi sur le sujet à vrai dire. Si on tu continuais à me raconter ton histoire. Alors a-t-il hérité des talents particuliers de sa mère ? »
« On ne le sauras pas avant qu’il soit un enfant. »
« Suspens, suspens … »
« Et les travaux de la maison ? Terminés ? »
« Juste à temps. Nous avons une belle petite maison maintenant. »
« Cela change de ta petite cabane. J’aime beaucoup. »
« C’est encore plus beau sans neige. Je regrettais un peu de m’être installé dans un terrain si éloigné de la ville, mais le paysage est magnifique. »
« Tu as vu sur la mer depuis ta chambre et le salon ? »
« Non, c’est le petit gars qui a vu sur la mer. »
« Occasion ratée. »
« A vrai dire, on n’a pas vraiment pensé à ça quand on fait les plans de la maison. »
« Il y aura toujours moyen d’arranger ça un peu plus tard, quand l’argent coulera à flots. »
« Je n’attends pas particulièrement ce moment avec impatience. J’aime ma vie simple. »
« Tu as quand même une belle maison maintenant. Dans quelques générations et après plusieurs extensions, ça peut faire un sacré manoir. »
« A quoi bon en parler, je ne serais plus là pour voir ça. Et peut être que tu n’y sera plus non plus. »
« Qui sait. »
« J’en doute fort, ton intérêt pour nous auras depuis longtemps disparu. Je ne pense pas qu’on soit une famille si intéressante que ça. Des gens ordinaires avec une vie ordinaire. »
« Tu sous-estimes l’attachement que je te porte. Et je suis sûr que j’en aurais tout autant pour le reste de ta petite famille. »
« Comment se nomme ce petit ange ? »
« Antonio. »
« Quelqu’un de la famille ? »
« Non mais c’est un prénom du coin qui nous plaisait bien. »
« Et vous lui avez donné quel nom de famille ? »
« Il avait celui de Rosaria au début. Un erreur de l’hôpital. Mais Rosaria s’est rendue à l’hôtel de vill pour faire corriger. Ça n’a pas été une partie de plaisir. L’administration n’est pas ce qu’il y a de plus efficace ici. »
« Ça ne m’étonne pas beaucoup. »
« Tu as l’air de t’y connaître. »
« On ne donne pas la meilleure réputation à ce genre de services. Je vois que cela se confirme à Monte Vista aussi. »
« J’ai cru que Rosaria n’allait pas survivre. Je lui ai donné un truc pour se calmer. »
« Lequel ? »
« Regarder le ciel et te blâmer pour tout ce qui se passe mal. »
« Je ne sais pas trop comment je doit le prendre. »
« C’est plutôt efficace. »
« Au moins cela sert à quelque chose. Mais j’apprécierais que tu n’apprennes pas ce genre de truc à toute ta famille. Ou alors, je me verrais obligé de les suivre pendant des générations. Pas sûr qu’ils continuent à y croire si personne ne fait l’expérience de ma présence. »
« Je sens que je viens de me faire prendre à mon propre jeu… »
« Comment se passe la vie avec le bébé ? »
« Plutôt bien. Rosaria est une très bonne mère. »
« Tu as bien choisi on dirait. »
« Je ne te le fais pas dire. Et elle adore s’occuper de notre petit bout. »
« Elle n’est pas réelle, ce n’est pas possible. »
« Non, elle est juste parfaite. »
« Tu est en train de me dire que jamais elle ne se plaint d’aller changer les couches sales ? De se réveiller au milieu de la nuit pour le calmer quand il pleure ? »
« Pas une seule fois ! J’en suis moi-même très impressionné. »
« Et le bébé ? Il est plutôt calme ou du genre à pleureur sans arrêt ? »
« C’est mon premier, mais je trouve que ça se passe plutôt bien. »
« Si il est calme, je comprends mieux. C’est plus agréable de s’occuper d’un enfant quand il n’est pas très capricieux. »
« Et tu t’en occupes aussi parfois ? »
« Oui. Je ne vais pas te cacher qu’au départ ce n’était pas forcément le cas. »
« Et bien je ne te félicite pas. Je ne serais pas étonné qu’elle te maudisse en silence quand elle doit aller encore s’occuper de votre fils pendant que tu fais je ne sais quoi. J’espère que tu étais occupé à quelque chose d’utile au moins …»
« Je bossais comme un fou pour réaliser ton rêve et rapporter un peu d’argent pour faire vivre ma famille. »
« C’est déjà mieux… Mais quand même tu aurais pu faire un effort. »
« Non mais comprends moi. J’étais ravi d’être père, mais j’avais un peu peur de faire quelque chose qu’il ne fallait pas et de lui faire mal. »
« Et tu penses que Rosaria n’avait pas peur ? »
« Elle avait l’air plutôt confidente. Et puis il existe ce qu’on appelle l’instinct maternel non ? Ça doit l’aider à être confiante dans ce qu’elle fait. »
« Si on veut. Je suis pas convaincu que des gens naissent avec un mode d’emploi sur comment élever un enfant dans la tête. C’est une chose plus compliquée de d’être responsable d’un autre être vivant qui ne survivrait pas sans notre aide.»
« Tu as l’air de savoir un peu de quoi tu parles. »
« Je ne pense pas au sujet qui nous intéresse actuellement, mais cela s’en rapproche. »
« Tu parles de moi alors ? Je suis parfaitement capable de m’en sortir tout seul sans que tu me dises quoi faire ! »
« Toi peut être, mais il fut un temps où il fallait tout faire à votre place sans quoi vous finissiez à tous les coups carbonisés avec les restes de votre petit déjeuner. »
« Je ne me rappelle pas de cette période. »
« Oh tu n’étais pas encore né, et pas près de l’être, bien que techniquement cette période de votre histoire se passe après la tienne. »
« Je sais pas ce que tu prends mais tu devrais arrêter, ce que tu dis n’a absolument aucun sens… »
« Et alors, c’est comment d’être père ? »
« C’est juste grandiose, magnifique, extraordinaire … »
« On peut dire que tu es très enthousiaste ! »
« Plutôt oui. Se dire que se petit bout de chou est sorti de moi… »
« Oui enfin, il est sorti de Rosaria hein ! Toi tu n’as pas eu trop de soucis pendant qu’elle faisait tout le travail pendant 9 mois. »
« Oui et c’est pour ça que je me suis mis à m’occuper un peu plus d’Antonio pendant qu’elle était au travail … »
« Ah parce que tu ne la laisses même pas se reposer ? Ce n’est pas vraiment sympathique tout ça. »
« Si tu me laissais finir aussi ? J’allais dire que je m’occuper de lui pendant qu’elle est au travail ou qu’elle se repose. Et puis je ne l’ai pas forcée à aller travailler, c’est elle qui a voulu y retourner le plus vite possible, pour qu’on puisse finir entièrement les travaux de la maison et la meubler le plus rapidement possible.
« Ce n’était toujours pas le grand luxe hein ? »
« Pas besoin du grand luxe, juste un petit nid douillet pour moi et ma famille. Et puis faut bien payer aussi les couches et les biberons du petit. Rosaria et moi avons réfléchi et il nous a paru plus logique que ce soit elle qui retourne travailler, car elle est certaine de ramener au moins de quoi manger et payer les factures tous les soirs. »